luni, 11 iulie 2011

Rousseau et son système de représentation de la réalité


  "La nuit s´avançait. J´aperçus le ciel quelques étoiles,et un peu de verdure.Cette premiére sensation fut un moment délicieux.Je ne me sentais encore que par là. Je naissais dans cet instant à la vie,et il me semblais que je remplissais de ma légère existence tous les objets que j´apercevais .Tout entier au moment présent,je ne me souvenais de rien;je n´avais nulle notion distincte de mon individu,pas la moindre idée (...);je ne sentais ni mal,ni crainte,ni inquiètude (...).Je sentais dans tout mon être un calme ravissant auquel,chaque fois que je me rappelle, je ne trouve rien de comparable dans toute l´activité des plaisirs connus ".
  C´est un fragment des "Rêveries du promeneur solitaire"que nous nous proposons d´analyser.
Et puis,il y a encore une phrase qui nous laisse beaucoup à réflechir et qui nous met en état d´inquiètude vis-à-vis d´un système littéraire que seul le lecteur avisé et organiquement impliqué dans l´acte de lire saurait décéler dans son entité parfaite.
La phrase dont je parlais est la suivante:(...)"la source du vrai bonheur est en nous ".
Il ne nous reste donc que de partir,de façon décidée et en état d´implication absolue,aux traces du périple d´un système littéraire propre à l´artiste complet qui est Rousseau
Dès le début il faut préciser que notre analyse est une analyse personnelle,qui nous appartient qui ne veut pas contredire le bon sens de la critique littéraire.J´ai donné à mon analyse un caractère d´originalité. Ma recherche se veut bien synchronique que diachronique.
Expliquons cela.
  Mon analyse est synchronique à mesure qu´elle esquisse des liaisons qu´une oeuvre établit à une portion de temps qui lui est contingente et diachronique à mesure qu´elle saurait montrer
l´impact de cette oeuvre sur les temps à venir et surtout sur les prochaines expériences littéraires.Car l´oeuvre de Rousseau représente un point de départ pour d´autres écrivains et aussi une source d´inspiration.
L´art littéraire se trouve loin de se limiter à quelques significations globales ;par contre,il ouvre de larges perspectives que la démarche critique doit percevoir. C´est pour cela qu´on va si loin avec notre analyse .
Il y a plein de méthodes pour en parvenir, l´unique problème étant de nous assignier une perspective, un angle duquel on projetera notre perception sur le texte à analyser.
  Quelle impression peut produire sur un lecteur avisé ce genre de texte où l´être de l´écrivain se dissoud dans la nature?
La façon de déterminer s´il y a valeur littéraire ou non, ressort dans la relation avec un lecteur avisé qui puisse déterminer cette valeur.
Il se peut que ma démarche analytique soit jugée une liberté vis­à­vis de l´oeuvre de Rousseau.
A la rigueur, je prends donc des mesures de précaution,ce préambule me servant comme justification.
 Au lieu de répéter ce que d´illustres critiques ont écrit sur Les rêveries du promeneur solitaire, j´ai trouvé juste, en tant que philologue, de procéder à une recherche personnelle et d’ esquisser un point de vue propre. Il va de soi sans oser contredire le bon sens et les dires des critiques. Mes considérations viennent en accord avec celles de Starobinski et de Georges Poulet que j´ai essentiellement consultés en vue de mon analyse et de ma recherche. Il n´est pas en notre but de procéder à un épuisement explicatif et de soutenir à titre définitif un point de vue qui est en effet inépuisable et saurait se tromper facilement.
Ce n´est qu´un point de vue relatif et loin d´épuiser complétement les questions suscitées. C´est plutôt notre don de reconaissance envers celui qui a su susciter en nous une si vive émotion, envers ce texte que nous avons cité au début et qui est admirable. Partie aux traces de la reconstitution d´un système littéraire de représentation, je me sens plutôt le lecteur en concordance avec l´écrivain Rousseau, que le chercheur minutieux.
Ceci dit il ne nous reste qu´à esquisser notre point de vue.
Il y a un topos de la rêverie tout comme plus tard il y aura un topos propre à l´état romantique qui trovera sa parfaite incorporation dans la poésie.Si la prose de Rousseau se trouve encore un peu plus loin de ce "mal de siècle ",il n´est pas moins vrai que par certains écrits, surtout par une certaine zone (celle des Rêveries du promeneur solitaire ),Rousseau est le premier à renverser un ordre et un goût anciens.
En quoi consiste la nouveauté chez Rousseau?
Cette nouveauté tient surtout à la zone de l´intériorité partie à la quête de l´être, disons ainsi. A partir du surplus d´émotion il apparaît chez Rousseau une vision projetée sur l´univers qui est décrit dans Les rêveries du promeneur solitaire.
Soit qu´il s´agit d´une réorganisation du topos (compris comme lieu dans la nature ), ou qu´il s´agit d´une nouvelle façon de vivre le temps et de l´incorporer à l´oeuvre, il s´ensuit dans Les rêveries et dans notre texte cité que toute sensation, tout sentiment part d´un état psychique.
Au sein de la nature, Rousseau se sent accompli, plein d´un sentiment unique. La nature signifie tout pour lui. Ses éléments lui inspirent un état de bonheur incomparable à autre chose.
Il dit même dans son texte que "la nuit", les "étoiles"lui offrent un spectacle délicieux. A cet instant, Rousseau "naissait à la vie" et il remplissait de sa légère existence tous les objets qu´il apercevait.
Comment analyser un pareil texte? C´est une pure description de la nature, du spectacle qu´elle offre, ou il s´agit plutôt d´autre chose.Ce texte peut susciter beaucoup d´intêret soit au critique littéraire de type traditionnel, soit au critique de type moderne tels Starobinski ou Poulet.
Rousseau tente, inconsciemment ou non, une transparence entre le signifiant et le signifié, entre "le mot"et "la chose. Il projette son existence sur la nature, sa conscience sur les objets. "Je naissais dans cet instant à la vie, et il me semblais que je remplissais de ma légère existence tous les objets que j´apercevais".
Réalité extérieure( choses,objets,êtres) aussi bien que réalité intérieure(état d´âme, exploration du souconscient), tiennent toutes les deux au pouvoir de représenter à l´aide de l´expression.Evidemment, l´état intérieur qui surgit et un peu confus chez Rousseau.
Le point central de Starobinski dans son étude est ce qu´il envisage comme double mouvement de la conscience créatrice : la transparence et l´obstacle. La première est le point où cette conscience créatrice transgresse la réalité du côté du concept pur. L´obstacle représente ce qui empêche, le passage qui retient l´artiste dans un état confus, à la limite du réel.
Est­ce qu´on peut parler chez Rousseau d´une conscience créatrice? Est­il conscient quand il écrit?Où il fait cet acte de façon inconsciente? A mon avis, Rousseau est in conscient de ce qu´il vient d´écrire mais il est un écrivain à ressentir d´une façon dramatique l´acte d´écrire, de bien représenter les sensations qui tourmentent son âme si sensible à la beauté de la nature. Il est vrai que la tache de l´écrivain est plus difficile à décrire la beauté de l´Univers qui nous entoure.Si le peintre se voit aidé dans sa démarche créative par les couleurs et les formes d´une façon plus immédiate, si les sons sauraient ne pas alourdir la tache du musicien, si en fin le tailleur en pierre trouve ses moyens de s´exprimer plus directement et de façon plus concrète, l´écrivain combat contre ce que Foucault appelle"la grande utopie d´un langage parfaitement transparent où les choses elles mêmes seraient nommés sans brouillage, soit par un système arbitraire, mais exactement réflechi(langage artificiel),soit par un langage si naturel qu´il traduirait la pensée comme le visage quand il exprime une passion ".
De ce point de vue,Rousseau nous semble "tourmenté",disons ainsi,par l´acte d’écrire;il nous semble parmi ceux à saisir la dialectique de l’acte créateur et il est l’un des écrivains à subir le drame du génie écrivain.
Georges Poulet voit en Rousseau celui à ressentir profondément le drame du temps,mais drame du temps se trouve englobé dans le drame du créateur,car ce n’est que le goût d’aboutir à une absoluité,à un endieusement à travers et par l’art qui fait possible le drame du temps.
Par l’accès à une sensation toute pure qui soit transcrite à l’aide de la parole, il s’ensuit que Rousseau reste dans la zone où l’acte créateur est ressenti comme désir de bien écrire et de représenter, à trouver les mots, ou l’image mentale (réalité de second degré) ou l’image réelle (réalité de premier degré).
Passion et expression ne sont guère séparables et s’aident l’une l’autre.
La passion prend sa source dans cet élan de l’esprit qui par ailleurs fait naître le langage (D.Mornet).
Ainsi s’opère une redécouverte de la rhétorique sublimée et purifiée au feu de l’âme et de l’esprit.
Plus un homme est sentimental, plus il y a des chances qu’il soit verbeux et bien disant.
Dans notre texte, tout comme dans le texte des "Réveries du promeneur solitaire",le plaisir de Rousseau est de raconter ses sensations inspirées par la nature, source du délice spirituel. Rousseau parle de soi-même et de la nature qui l’inspire.
Plus un homme est passioné,plus ila des chances qu’il réinvente les figures de la rhétorique, qu’il découvre leur nécessité.
Rousseau est épris du désir d’accéder aux essences des choses. Ce qui résulte est un doux unissement aux choses de la nature où imaginaire et réalité ne sauraient même pas se séparer.
Il affirme lui même ce manque de séparation entre le réel et l’imaginaire quand il écrit de cette façon: "En sortant d’une longue et douce rêverie,en me voyant entouré de verdure, de fleurs, d’oiseaux,et laissant errer mes yeux au loin sur les romanesques rivages (...) j’assimilais à mes fictions tous ces aimables objets et, me trouvant enfin ramené par degrés à
moi-même(...) je ne pouvais marquer le point de séparation des fictions aux réalités".
Il y aurait "délivrance des passions terrestres", l’âme s’élancera au-dessus de l’atmosphère et voyagera "sur les ailes de l’imagination".
On précise que dans la philosophie il y a deux théories qui touchent le problème des  moyens du créateur; il s’agit de la théorie de Platon et de celle de Saint­Augustin.Ces deux théories traitent la représentation de la réalité.
On dit que la difficulté se trouve non pas dans la réalité, mais dans notre façon de la représenter. Le résultat auquel aboutit Rousseau dans les textes des Rêveries,n’est pas en son essence, différent du résultat auquel aboutit Platon en philosophie. Platon n’ignore point que nous sommes les images de l’image; seulement il soutient que seule l’idée compte. En dirigeant l’art vers la représentation des idées pour ne pas l’asservir au quotidien, il veut, en effet, que la vision soit une vérité directe, nullement fausse. L’art sera ainsi vrai et beau avant toute chose. L’autre thèse, nottament celle de Saint Augustin,prouve que la Représentation (c’est­à­dire l’image dans une substance étrangère) est seulement une similitude. Dans l’esprit on ne saurait jamais avoir accès à la chose telle quelle,mais seulement à l’image ressemblante de cette chose.Seule la divinité travaille avec l’égalité (domaine de l’essence des choses), tandis que l’artiste restera au niveau de la Similitude laquelle est en rapport inverse a l’Egalité. Voilà maintenant le drame du créateur en son essence entier:ne lui étant possible à travailler avec l’Egalité comme la divinité seule peut le faire, l’artiste tombe dans une difficulté.Toujours en quête de l’idealité, jamais n’y accédant, il tombe dans un état de crise angoissante qui ressemble à celle des anges déchus rejetés du paradis.
Un reste de l’ancienne mémoire absolue,unifiante et divine,hante l’esprit tombé dans l’imperfection, L’expérience littéraire de Rousseau dans Les Rêveries du promeneur solitaire,rejoint celle de Platon plutôt que celle de Saint-Augustin, en ce sens que la confiance dans sa vérité perçue existe.
Il y aurait tourment et ballancement, mais il n’y aurait pas abandon définitif de l’espoir que la vision peut dépasser la réalité.
C’est pas une seule fois dans Les rêveries du promeneur solitaire,que Rousseau raconte comment sa vision commence à detenir l’empire sur son être et que parfois il s’observe vivre mieux au milieu des choses mentales qu’au milieu des choses réelles.Là.dans sa vision, il est entièrement lui-même,il se sent pleinement accompli et il affirme même cela: "Ces heures de solitude et de méditation sont les seules de la journée où je sois pleinement moi et à moi sans diverssion, sans obstacole et où je puisse véritablement dire être ce que la nature a voulu".

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